PARIS - L'hommage de Victorin Lurel à Hugo Chavez, qui a courroucé l'UMP et irrité au PS, illustre l'influence du président vénézuelien sur les Caraïbes d'où est originaire le ministre et non pas une adhésion à sa politique, selon des politologues interrogés par l'AFP.
Fin connaisseur de la zone caraïbe, comme natif de Guadeloupe où il fut député et président de Région, M. Lurel, qui a représenté la France vendredi aux obsèques du président vénézuélien, a estimé que Chavez pouvait représenter pour ses compatriotes ce qu'avaient été pour les Français Charles de Gaulle pour les institutions et Léon Blum pour le social.
Après de nombreuses réactions outrées de l'UMP durant le weekend Jean-François Copé a demandé lundi «solennellement» à François Hollande de désavouer son ministre antillais. Sans faire sortir l'Elysée de la réserve observée depuis le début.
«En tant que domien et caraïbéen, M. Lurel a sans doute un autre regard que les politiques de la métropole» pour qui «la situation des DOM et de pays éloignés est un peu exotique», estime Jérôme Fourquet (Ifop). «Un homme politique de gauche dans la Caraïbe regarde forcément ce qui se passe au Venezuela, c'est un fait politique majeur pour cette zone», poursuit le politologue.
La France, grâce aux Antilles-Guyane, siège comme membre associé à l'Association des Etats de la Caraïbe, une instance de coopération régionale où l'on trouve le Venezuela parmi les 35 Etats membres. De plus, M. Lurel avait rencontré M. Chavez en 2006 lors de la cérémonie d'hommage aux victimes antillaises du crash de la West Carabeian.
«La comparaison de Chavez à de Gaulle et Blum ne choque pas ici. Bien au contraire! Notre proximité culturelle l’explique», assure Vincent Tacita, directeur d'études de l'Institut Qualistat, implanté en Guadeloupe, Martinique et Guyane.
Pour Frédéric Régent, historien à Paris IV et originaire de Guadeloupe, «les propos sont maladroits mais ils valent comme reconnaissance du fait politique qu'incarnait Chavez dans la zone caraïbéenne, pas comme une adhésion à sa politique».
«Il y a encore 2-3 ans, les Guadeloupéens fréquentaient massivement le Venezuela, pour du shopping ou des vacances: personne n’a eu l’impression de se retrouver en Haïti au temps du dictateur Duvalier», souligne M. Tacita pour qui «dans la perception locale, la dictature chaviste est une pure invention pro-américaine et européo-centriste».
Les soutiens politiques sont d'ailleurs venus d'élus antillais. Le député autonomiste martiniquais Bruno Nestor Azérot a fait valoir que M. Lurel «a eu le tort sans doute de rappeler des évidences irréfutables: que Chavez n’était pas un dictateur et qu’il a toujours été élu lors d’élections libres; que les 9 millions de personnes qui se sont rendues à ses obsèques ont rappelé ( ...) que son image pour la Caraïbe et l’Amérique latine l’assimilait à un personnage de l’ampleur de de Gaulle et de Blum».
Patrick Karam (UMP), ancien délégué interministériel à l'égalité des chances des Français d'outre-mer sous Sarkozy, a appelé ses «camarades» à «cesser de polémiquer vainement». «J'entends des gens qui demandent sa démission, c'est inacceptable, il a tout l'outre-mer avec lui. Les Français n'attendent pas qu'on tire sur tout ce qui bouge à gauche mais une opposition ferme et constructive sur des sujets qui les intéressent», a dit ce Guadeloupéen, ami de Lurel.
Pour M. Fourquet , cette polémique «va être un peu une tempête dans un verre d'eau».
Ce qui expliquerait la tiédeur des critiques du camp de M. Lurel. Harlem Désir, premier secrétaire du PS, a jugé ses propos «sans doute un peu excessifs», préférant le Brésilien Lula comme modèle, mais «ce n'est pas la peine de faire de la mousse».
Le député PS de Paris Jean-Christophe Cambadélis a parlé de «petite boulette» mais «il faut aussi penser que c'est les Caraïbes, qu'il y a là-bas un tropisme par rapport à la gauche latino-américaine».
Quant à Marine Le Pen (FN), elle a dénoncé des «polémiques stériles» et, exhorté UMP et PS à «cesser de faire mumuse».
© 2013 AFP
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