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La dissuasion nucléaire est indissociable de notre statut de grande puissance, comme l’est aussi notre participation au Conseil de sécurité des Nations unies, avec un droit de véto auquel je n’entends pas renoncer. Elle est le recours ultime et suprême de notre pays s’il était menacé dans son intégrité ou son existence. Le contexte international actuel ne laisse pas présager que le temps de la dissuasion nucléaire serait désormais dépassé : de nouvelles puissances sont apparues durant les quinze dernières années, d’autres ont cherché et cherchent encore à émerger dans ce domaine. Alors que de nombreux pays arment ou réarment, nous ne devons pas baisser la garde : notre effort pour la paix dans le monde, pour le désarmement et pour la construction européenne, va de pair avec notre volonté de préserver les intérêts vitaux de notre nation. Dans un monde désormais multipolaire et face à une menace multiforme, vouloir la paix ne saurait s’envisager par un désarmement unilatéral. Un responsable politique ne peut ignorer que l’histoire est tragique.
Je veux donc, si je suis élu président de la République, m’inscrire dans la continuité de Pierre Mendès France qui décida, en tant que président du Conseil, la fabrication d’une arme nucléaire, de Charles de Gaulle, qui eut la volonté farouche de construire notre dissuasion en conservant sa pleine indépendance, de François Mitterrand, qui ne recula pas quand les SS 20 étaient à l’Est. Je fais miens ses mots : "La stratégie de la France, pays détenteur de l’arme nucléaire, n’est ni offensive, ni défensive, elle est de dissuasion, ce qui veut dire, en termes encore plus simples, qu’elle a pour but essentiel d’empêcher le déclenchement de la guerre." La dissuasion nucléaire demeure aujourd’hui encore la garantie fondamentale de notre sécurité. Elle nous donne le pouvoir d’être maîtres de nos actions, de notre politique, de la pérennité de nos valeurs démocratiques et de notre destin. Dès lors, il ne saurait être question pour moi de transiger avec notre indépendance et notre intégrité.
Aujourd’hui, nos moyens nucléaires sont organisés en deux composantes. La force océanique stratégique nous donne la capacité de frappe partout où la menace suprême pourrait se manifester. Depuis le lancement du sous-marin nucléaire lanceur d’engins "le Redoutable" le 28 janvier 1972, jusqu’à l’admission au service actif du sous-marin de nouvelle génération "le Terrible" en septembre 2010, nous avons toujours été en capacité d’assurer la défense de notre pays. Aujourd’hui les sous-marins de nouvelle génération assurent la permanence de notre dissuasion. Cette composante est modernisée, puissante et ses moyens de frappe contribuent à faire de la France un pays respecté. Elle est l’ultima ratio. Nous maintiendrons sa capacité et sa crédibilité.
La composante aéroportée offre au décideur politique, c’est-à-dire au président de la République, les alternatives, les complémentarités et les capacités d’adaptation indispensables dans un monde et face à des acteurs en perpétuelle mutation. L’armée de l’air française dispose à présent, avec le Rafale équipé du missile ASMP-A, de ce qui se fait de plus performant dans le domaine aérien. Les derniers exemplaires, équipés de la tête nucléaire aéroportée, ont été livrés en 2011. Depuis 2010, la capacité nucléaire aéroportée modernisée est opérationnelle sur le porte-avions Charles de Gaulle. La France, grâce à son effort soutenu, a donc fini de payer les investissements nécessaires à cette capacité. Visible et donc démonstrative en cas de crise majeure, cette deuxième composante nous permet d’éviter toute montée mécanique vers les solutions les plus extrêmes, parce qu’elle est réversible. Nous disposons donc de moyens proportionnés et suffisants, que j’entends maintenir.
La possession de l’arme atomique crée pour la France avant tout des responsabilités et des devoirs sur la scène internationale et va de pair avec des efforts de désarmement. C’est parce qu’elle respecte pleinement ses obligations de puissance nucléaire qu’elle est fondée à combattre sans faiblesse et sans concession ceux qui, dans le monde, ont engagé des programmes dangereux pour sa stabilité. Je ne relâcherai donc en rien les efforts pour résoudre, avec nos partenaires, les crises de prolifération en Iran ou en Corée du Nord. Je veux contribuer à ce que le droit, les traités et les décisions du Conseil de sécurité soient pleinement respectés.
Même si elle ne doit jamais cesser de s’adapter, je serai le garant de la capacité de dissuasion nucléaire de la France. C’est une prérogative spécifique du président de la République : je la revendique et l’assume pleinement.
(Tribune publiée dans "le Nouvel Observateur" du 22 décembre 2011)
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